Cette journée était décidément mal partie. Un mannequin qui se casse une jambe, un défilé à réorganiser et une assistante incapable de faire son travail. Oui, vraiment, mes nerfs sont mit à rudes épreuves depuis ce matin et je commence à avoir envie de transformer le premier venu en un adorable tapis de cheminée. Que ce serait jouissif de poser mes pieds sur cette toute nouvelle fourrure. Je fais claquer ma langue contre mon palais, agacé, puis jette un œil à la Rolex doré que je porte au poignet droit. Déjà vingt minutes que je suis cet exposé quand au déroulement du prochain défilé de je ne sais même plus quel créateur en vogue. Ma patience est mise à rude épreuve et je sens que je suis au bord de l'explosion. Une nouvelle divagation de la créatrice et cette fois, je claque des doigts, mon assistante se ruant ainsi à mes côtés. « Excusez-moi, mais je n'ai jamais assisté à une réunion plus ennuyante. Si vous continuez ainsi, soyez sûre que vous ne ferez pas long feu dans cet univers. Envoyez le résumé par mail à ma secrétaire, ça me suffira puisque visiblement, vous reprenez vos idées de tous les défilés de grands noms auxquels j'ai déjà participé des dizaines de fois. » Je me lève alors en soupirant, replaçant une mèche de mes cheveux et récupérant mon téléphone, nonchalamment posé sur la grande table en bois ciré. « Je ne me déplace pas pour rien, c'était la première et la dernière fois que je venais m'ennuyer sur vos chaises immondes. » Puis je quitte la pièce, me demandant ce que je vais bien pouvoir faire pour améliorer mon humeur. Lorsque je monte dans ma voiture avec chauffeur, j'interromps mon assistante qui allait faire de même. « Plus de rendez-vous pour aujourd'hui, débrouillez-vous. Prenez un taxi, faites ce que vous avez à faire et surtout, ne me contactez sous aucun prétexte d'ici demain, dix heures. » Je lui fais un signe de la main pour qu'elle s'éloigne puis ferme la porte, donnant ma propre adresse au chauffeur.

Après presque une demi-heure à rouler dans les rues illuminés de cette si grande ville, mon chauffeur s'arrête enfin dans le parking de mon immeuble. Je récupère rapidement mon sac, lui souhaitant une bonne soirée, aussi surprenant que cela puisse paraître, puis prend l'ascenseur jusqu'au 17ème étage où se trouve mon loft. Il est immense, moderne, le moindre de mes pas résonne et je ne peux que soupirer en constatant ce fait une nouvelle fois. Je déteste être seul, je hais le silence. Retirant mes chaussures, et allumant ma chaîne hi-fi en passant devant, j'effectue mon rituel, m'arrêtant devant la seconde chambre de ce luxueux appartement, toujours fermé. J'ouvre la porte, regardant la chambre d'enfant que j'y ai fait installé. Tout y est rose, emplit de jouets et de peluche, pourtant, personne n'est jamais venu ici. Je ne sais même pas si Yume aime le rose. Je reste ainsi de longues minutes puis referme la porte et vais poser mes affaires au salon, où je trouve sur la table un post-it me rappelant que j'ai rendez-vous demain avec l'une de mes amies. Ce simple petit mot me fait sourire et me donne une idée qui pourrait améliorer ma journée.

Une heure plus tard, et ce malgré la nuit avancée, après avoir pris une douche et m'être changé, j'enfile une paire de chaussures choisit au hasard et passe à nouveau ma porte. Cette fois, aucun chauffeur ne m'attend et je peux prendre le volant de ma toute récemment acquise voiture de sport. J'aime la sentir accélérer sous mon pieds. Je connais l'adresse, y étant déjà allé quelques fois, et ayant une bonne mémoire. Je mets la radio, ne supportant pas le silence pesant de la ville. Finalement, je me gare dans le parking privé de la résidence et prend le chemin de l'appartement de ma chère Mi Ok.

Une fois devant la porte, je pousse mon doigt sur la sonnette et attend sagement, mon humeur déjà bien meilleure. À peine une minute plus tard, la porte s'ouvre et mes yeux remontent du sol où ils s'étaient posés, longeant le corps de mon amie, me faisant sourire lorsque je rencontre le sien. « Bonsoir très chère. Ne m'en veux pas de débarquer ainsi à l'improviste, mais j'ai passé une horrible journée, et je me suis dis que ta compagnie pourrait me rendre ma bonne humeur. Ai-je eut tord ? » Que dire de plus lorsque l'on débarque en plein milieu de la nuit et que l'on interromps visiblement quelque chose, au vue de la tenue de mon interlocutrice. « Je ne te déranges pas au moins ? »

En voyant Mi Ok se déplacer ainsi, une seule idée parcourt mon esprit. Cette femme est pleine de grâce et de douceur. La seule façon dont elle bouge son corps me permet de le savoir, bien que désormais, la connaissant, je sois au courant de la véracité de ce qui n'était à la base, qu'une première impression. La première fois que je l'ai vu, elle se distinguait des autres. Premièrement, parce qu'elle était bien plus petite que les mannequins, même perchée sur ses hauts talons. Ensuite, parce qu'elle portait une longue robe flottante, et qu'elle semblait presque glisser au sol tant ses pas étaient légers. Les mannequins, elles, ont tendances à avoir une démarche assez lourde puisqu'on leur apprend à appuyer leurs jambes à chaque pas sur le catwalk. Mi Ok avait également l'air doux, et bien que je ne puisse entendre ses mots de là où je me trouvais, elle avait l'air de parler calmement à ses modèles, gentiment et posément et ça, c'est quelque chose de rare dans le métier. D'ailleurs, toute les mannequins présentent ce jour-là souriaient en coulisses et je peux vous dire, que lorsque c'est moi qui donne les directives, personne ne sourit.

Aujourd'hui encore, lorsque je la regarde attentivement, je remarque sa douceur par le moindre de ses gestes. C'est ce que j'aime chez elle. Elle m'apaise. Vraiment. Lorsqu'elle se tourne vers moi, je souris encore. Elle est une des seules à qui je donne le droit de me voir réellement et pas celui que je suis pour le reste du monde. Elle me regarde, et mes yeux soutiennent les siens. Ses mots arrivent à mes oreilles, toujours aussi calmes, posés, chaleureux et je ne peux que lui répondre de la même manière. « Je prendrais un café Noona. Comme toujours. » Elle le sait, je suis accro à cette satané boisson. Comme si j'avais peur de dormir, de me retrouver seul, au milieu de ce silence que je redoute tant. Je préfère attendre l'épuisement, ne pas avoir le temps de penser, et dormir juste assez pour ne jamais avoir le temps de rêver et que mon subconscient me rappelle à ses douloureux souvenirs.

Alors que j'allais la suivre pour me diriger vers la cuisine, je sens mon téléphone vibrer. Ma mâchoire et mon poing se contracte. J'avais pourtant été clair sur le fait que personne ne devait me déranger. J'aperçois son air surpris, me pressant alors de prendre la parole. « Un instant je te prie. J'arrive. » Un sourire, bien moins sincère cette fois, et j'enfonce ma large main dans la poche avant de mon jean, retirant l'objet qui se fait dérangeant. Sans même prendre la peine de répondre, j'éteins l'appareil et le pose sur le meuble à l'entrée, m'avançant ensuite un peu plus dans l'appartement pour la rejoindre. « Tu as changé le meuble de l'entrée, non ? » À vrai dire, je n'ai même pas fais attention, mais je ne veux pas de question.

Elle me tends ma boisson et lorsque je la récupère, je pose ma main sur la siennes, glissant mes doigts jusqu'à l'extrémité des siens pour prendre la porcelaine. « Merci. » Un nouveau sourire, plus chaleureux cette fois, et je prend la direction du canapé. J'aime cet appartement, je m'y sens à l'aise. Mon corps s'enfonce dans le cuir et j'étire mon cou, faisant un cercle de ma tête, tapotant ma bague contre le récipient, provoquant ainsi un léger bruit. Le silence, si court soit-il, commence déjà à me peser. Ma main libre tapote le coussin à côté de moi. « Viens me raconter ta journée Princesse, pour que je puisses oublier la mienne. » Je sais que le simple son de sa voix m'apaisera, et il n'y aura plus de silence.

J'ai fermé les yeux un instant. Fermé les yeux pour tenter d'oublier cette journée qui, au final, n'est pas pire que les autres. Lorsqu'elle s'adresse à moi, je m'aperçois de mes paupières closes et les ouvres à nouveau, juste assez tôt pour tomber dans ses yeux. Comment fait-elle pour toujours paraître si gentille ? Si douce ? Mes yeux la suivent lorsqu'elle se lève et je souhaiterais qu'elle soit restée près de moi. Pourquoi suis-je morose ? Comment pourrais-je lui expliquer ? Lui expliquer que chaque jour un peu plus, dès que je me retrouve seul, je sens ma vie s'enfuir. J'ai déjà trente ans, et ce n'est que grâce à ma renommé que l'on me veut encore sur les podiums. J'ai déjà trente ans, et je ne vis que pour mon travail. Comment pourrais-je lui dire que chaque matin lorsque je me lève, je me rends dans la chambre de ma fille disparue depuis sept longues années ? Comment pourrais-je lui faire comprendre que j'ai mis enceinte une femme que je ne connaissais qu'à peine et qu'elle m'a enlevé la personne qui était devenue en une seconde, la plus importante de ma vie ? Je ne pourrais jamais répondre réellement à cette question, mais ce n'est rien, j'ai l'habitude. Il suffit de revêtir mon masque, de devenir celui que je suis, et personne ne saura jamais.

La musique se répand dans mon esprit alors qu'il me semble m'y être perdue il y a des heures déjà. Noona est belle. Noona est magnifique. Comment fait-elle pour apaiser ainsi mon esprit ? Je n'aurais probablement jamais la réponse, et ne suis pas sûr d'en avoir envie. La seule chose qui m'importe à cet instant précis, c'est qu'elle me met à l'aise, et que je n'ai pas besoin de jouer ce rôle dont je ne reconnais plus les limites. Je porte la boisson chaude à mes lèvres, et en bois une longue gorgée, soupirant ensuite avant de me pencher en avant pour poser le récipient sur la table basse. Doucement, j'avance ma main droite vers elle et attrape la sienne, la tirant pour qu'elle vienne contre moi. Je passe mon bras autour d'elle et pose ma tête sur la sienne, simplement. Mon pouce caresse sa hanche et je soupire à nouveau. C'est comme si j'avais besoin de la sentir contre moi, de me rassurer de sa présence et de la remercier pour cette musique de fond qui empêche le silence d'exister. « Noona. Restes avec moi, d'accord ? Je n'ai pas envie de retrouver ma stupide assistante sur le pas de ma porte en rentrant parce que je n'aurais pas répondu au téléphone. » Menteur. JaeMin tu es un sacré menteur. Serais-ce trop dur que d'accepter avoir des faiblesses ? Sans doute, oui. Je ne suis pas prêt pour ça.

Je resserre mon étreinte autour d'elle. Je ne veux pas qu'elle parte. J'éloigne ma tête de la sienne, et de ma main droite, je viens replacer une mèche de ses cheveux derrière son oreille, mes doigts glissant ensuite sur sa joue. Sa peau est douce. Tout est doux chez elle. Sa personnalité, son corps, son comportement. Elle me materne parfois, et c'est dur à admettre, mais j'adore ça. Je ne suis au final, qu'un pauvre homme. J'aime qu'on s'occupe de moi, et j'admets que c'est bien plus agréable lorsque je ne suis pas obligé de donner des ordres pour ça.

Je souris et je ne la quitte pas des yeux. Je l'ai déjà dis, mais elle est belle. Mes yeux parcourent à nouveau son corps presque nu et il est vrai que je freine mes envies avec difficulté. Finalement, plongeant à nouveau mon regard dans le sien, je pose ma main sur sa cuisse rendu dénudée de par sa position et y presse très légèrement mes doigts, approchant mon visage du sien jusqu'à ce que mes lèvres effleurent les siennes, parfumés. Je murmure alors « Je te t'interrompais pas au moins ? Parce que si tu as quelque chose à finir, je pense qu'il est trop tard. » Trop tard, oui. Je ne la lâche plus pour ce soir.

C'est tout de même fou ce que cette femme est capable de me faire ressentir. Je pourrais avoir à mes pieds les femmes que je désire. Je pourrais claquer des doigts, et choisir celles que je veux pour passer la nuit. Je le fais, d'ailleurs. Certaines seraient capable de se damner pour que je les possède pendant une heure ou deux. Je trouve ça déplorable. Les femmes crient pour qu'on les respecte, mais elles ne le font même pas elles-mêmes. Il suffit de voir ce qu'il se passe en ce moment, elles se dévêtissent seules, de plus en plus, pour garder le moins possible de tissus. Être sexy ne se résume pas à se trémousser presque nue et à se frotter à un homme tout en lui disant ensuite que l'on ne le laissera pas toucher.  C'est même plutôt vulgaire. Bien entendu, cela plaît à mes yeux, et lorsque je me rends à une quelconque émission musicale, j'aime que les groupes féminins se trémoussent, justement. Pour moi, ces femmes là ne sont que des jouets, et bien souvent, elles me le prouvent en se retrouvant dans mon lit à peine quelques heures plus tard. Elles sont bien trop faciles à amadouer, à arnaquer.

Noona, elle, est différente. Les vêtements qu'elle porte la rende belle, pas uniquement attirante. Elle n'a besoin de rien pour me plaire, aucun artifice, aucune danse lascive, aucun sous-entendus. Je la trouve gracieuse par nature. Le moindre de ses gestes pourraient me donner envie de la prendre dans mes bras. La dernière fois que cela m'est arrivé, j'ai fini par conclure que toute les femmes étaient des êtres avides de conquête et sans aucun sentiment pour d'autres que pour elles-mêmes. Et si ce n'est pas la vérité, alors elles devraient toute s'en plaindre à Mika. Je crois que c'est aussi pour cela que je me suis tourné vers les hommes. Je me suis laissé tenté, et j'ai adoré. Mes relations n'ont que peu duré, mais je fais plus facilement confiance, disons.

Mi Ok me donne tord. Elle ne m'a encore jamais déçu, et même si j'admets que je resterais probablement toujours sur mes gardes en attendant qu'elle le fasse, j'aime à me détendre avec elle. Comme je l'ai dis, elle me met à l'aise, elle me fait oublier ces journées interminables. J'aime être avec elle, peu importe ce qu'il se passe autour, ces moments sont uniques et je sais apprécier chacun d'eux. Un jour, je le lui dirais sans doute. Un jour, peut-être, me laisserais-je aller à lui parler, à poser ma tête sur ses genoux, et à simplement parler. Seulement, je ne suis pas encore prêt pour ça, loin, très loin de là. La trahison est encore trop fraîche et, malheureusement, je pense qu'elle le restera encore pour les dizaines d'années à venir.

Mes doigts caressent sa cuisse, restant sages, pendant que je goûte une nouvelle fois à ses lèvres. Cette femme me rend fou, je le jure. Elle me fait perdre toute notion de bien ou de mal, de jeu ou de sérieux. Plus je passe de temps avec elle, et plus j'ai envie d'en passer.  Et tout ceci me rappelle les mauvaises gloires de mon passé, cependant, telle une drogue, je ne peux m'en passer. Toutefois, c'est bien plus agréable que la cigarette ou le café.

La musique envahit mon esprit et si je ne me retenais pas, je pense que je lui ferais l'amour ici, sur le canapé, sans attendre une seconde de plus. Seulement, cette fois, je vais me montrer patient. Je le suis toujours, au début. « Mmh. » Je m'éloigne légèrement et bien que mon regard soit brûlant, mes mots eux, restent toujours aussi traînant. « Ne me vouvoie pas Princesse, tu sais que ça me donne une impression de pouvoir et qu'ensuite, je ne suis plus gentleman, du tout. » Le vouvoiement m'électrise dans ce genre de situation. Il m'excite au plus haut point. Je ne suis qu'un homme au final, un homme qui aime savoir qu'il a les cartes en mains. En réalité, j'aime que les choses soient faites comme je l'entends. C'est une sorte de maniaquerie et je mets un point d'honneur à ce qu'elle soit respectée.

Je reste silencieux un léger instant, j'ai envie de fumer. Je ne le dois pas. D'un geste qui ne me demande que peu d'efforts, j'attrape les hanches de ma chère Noona et vient la poser sur mes genoux, nichant mon visage contre elle, m'enivrant de ce parfum qui ne la quitte jamais. Je resserre ma prise autour d'elle comme si elle risquait de s'en allait. De ma main droite, je viens légèrement abaisser le haut de son kimono, juste assez pour ne dévoiler que son épaule, où je dépose de légers baisers en remontant lentement vers son cou. J'expire lentement, je contrôle mon souffle et ma bouche se pose à plusieurs reprises sur sa peau si douce que je voudrais la mordre. Je me retiens, il n'est pas encore temps.

Je n'aime pas ça, être faible. C'est peut-être bien peu pour certain, mais pour moi c'est déjà beaucoup. Montrer JaeMin à une autre personne que mes amis les plus proches. Comme dirait Yi Feng, tous le monde connaît Kang Jae Min, le directeur froid, le mannequin distant et hautain, mais très peu de gens peuvent prétendre connaître Jae Min, l'ami, le mec drôle et enjoué et surtout fragile. Je n'aime pas qu'il le dise, mais je dois admettre qu'il a raison. Il est certain soir où j'ai simplement envie de pleurer jusqu'à ce que je ne le puisse plus, d'oublier en buvant l'entièreté de mon mini-bar. Cela m'arrive bien sûr, lorsque je suis sûr que personne ne pourra me déranger. Parfois j'aimerais crier au monde que ma fille me manque à mourir, que je ne pourrais me sentir complet tant que je ne la tiendrais pas dans mes bras. Se souvient-elle seulement de moi ? Sait-elle qui je suis ? Pense-t-elle que son père biologique l'a abandonné parce qu'il ne l'aimait pas ? Parce qu'il ne voulait pas d'elle ? Il n'y a rien de plus faux. On m'a arraché ma fille, Mika m'a arraché ma princesse et un simple et court silence suffit à ma mémoire pour la revoir entre mes bras, un sourire innocent sur son visage de bébé. Mon passé n'est sans doute pas le plus malheureux, loin de là. Il me suffit de connaître l'histoire de Young Do pour savoir que je ne suis pas le plus à plaindre. Seulement, je ne peux pas oublier et je ne peux pas avancer. Je reste coincé sur cette époque, cette journée où j'ai trouvé un appartement vide. Sept ans se sont écoulés et pourtant tout est encore si clair que je pourrais croire que c'était hier.

Parfois je me blâme seul pour ce qui est arrivé. Après tout, si je n'avais pas autant tenu à ma carrière sans doute serait-elle encore là. Je ne serais probablement jamais totalement tombé amoureux de Mika, mais je tiendrais encore à elle. Nous ne serions peut-être plus en couple, mais je pourrais voir ma fille, j'aurais pu voir ses premiers pas, entendre ses premiers mots, lui apprendre à faire du vélo, l'emmener faire du shopping, lui offrir son premier animal de compagnie. Ensuite je me souviens, je me souviens des promesses que Mika m'avait faite, de ce que je lui avais promis et qui visiblement n'a pas assez compté pour elle. Je n'étais pas l'homme idéal, je n'étais pas le père idéal et sans doute ne le suis-je toujours pas. J'aurais fais de mon mieux si elle m'en avait laissé l'occasion, c'est tout ce dont je peux être certain. Tout ceci ne sert à rien, penser ne sert à rien, imaginer ne mène à rien. Ma fille n'est pas là et je me fais à l'idée que je ne pourrais probablement jamais la retrouver. Après tout, j'ai embauché les meilleurs détectives et aucun d'entre eux n'a été capable de réussir à retrouver sa trace. Mika a bien travaillée.

Lorsque Mi Ok glisse ses doigts entre les miens, je ne peux m'empêcher de les serrer et de me concentrer sur ce qui se passe dans la pièce plutôt que dans mon esprit. Je l'écoute, sans mot dire. Qu'elle pense autant de bien sur ma personne me rend plus léger, plus heureux, plus détendu sans que je ne puisse vraiment dire pourquoi. Je ne pense pas qu'elle soit totalement dans le vrai, personne n'a envie de voir un homme souriant, gentil et prévoyant dans ce milieu. Que dirait les grandes marques si je me mettais à sourire comme un benêt pendant leurs défilés ? Que dirait mes employés si je me mettais soudainement à leur permettre des pauses, à être agréable et de bonne humeur tous les jours ? Plus aucun ne me respecterais. Pour garder ma société, je dois rester Kang Jae Min, mannequin et directeur. Je veux bien laisser tomber le masque et me montrer plus détendu avec elle, avec mes amis, mais ce ne sera avec personne d'autre. Les gens me trouvent intéressant ainsi et, bien qu'elle me pense formidable et que je ne puisse pas vraiment lui donner tord, je pense être plus imposant et c'est ce qui est important pour le monde de la mode.

J'accueille son baiser avec plaisir et y répond brièvement puis me lève à mon tour. Je suis plus grand qu'elle, j'adore ça, ça me donne envie de la serrer contre moi et de la protéger de tout ce qui pourrait l'attendre, bien que je sois persuadé qu'elle n'ait pas besoin de moi pour ça. « Je serais plus que ravi de me joindre à toi pour cet instant de détente. Seulement je dois te prévenir qu'à me tenter ainsi, et malgré mon léger moment de faiblesse que j'aurais préféré inexistant, je vais finir par craquer et par te faire mienne. »

J'en ai terriblement envie, c'est vrai. J'ai envie de la marquer, de la tenir si fort qu'elle ne pourrait jamais s'échapper, de sentir sa peau contre la mienne, son souffle se mêler au mien et ses mains parcourir, marquer ma peau. Un jour je me brûlerait les yeux sur son corps, mais j'espère pouvoir encore en profiter de longues années avant que cela n'arrive. À peine arrivé dans la salle de bain et je défais un à un les boutons de ma chemise noire de jais avant de la retirer. Je me dévêtis lentement, posant mes vêtements sur un meuble non loin, prenant soin à bien les disposer afin qu'ils ne se froissent pas. J'entre ensuite dans l'eau tiède, confortablement. Je suis un peu chez moi ici au vue du nombre de fois où j'ai pu profiter de la chaleur de cet appartement. Je tends ma main à ma merveilleuse et magnifique Noona, l'attirant ensuite contre moi avant que mes bras n'enlace sa taille et presse son dos contre mon torse. Mon étreinte se relâche et mes pouces caressent son ventre. Je me sens bien dans l'eau chaude, Mi Ok dans mes bras. Étrangement, j'ai l'impression que cette place me va et je me sens à l'aise, parfaitement détendu. Le silence ne me gêne pas.