La fumée du tabac se répandait en vagues dans l’espace réduit qui leur était alloué, collant tantôt les cheveux des musiciens tantôt leurs vêtements. Ils grattaient les cordes mais se permettaient une petite pause détente pour rire et tirer de nouvelles taffes, ils ne jouaient même pas sérieusement mais plutôt pour s’amuser. Rendant hommage à Cobain et à son éternel nom de déodorant, Minki apprenait les bons accords au nouveau bassiste. Le gamin avait à peine dix-huit ans et même s’il était callé en Metallica, Mikki ne pouvait s’empêcher d’être agacé qu’il ne connaisse même pas le légendaire instrumental de Nirvana. « Mais non, le mi est en 4 temps dans l’intro ! » Il lui prit la basse des mains et recommença l’intro pour la deuxième fois. Mais il était encore plus agacé parce que le crétin ne regardait pas les cordes : ses yeux étaient rivés vers le fond du couloir. Quand Minki s’en rendit compte, son exaspération se dissipa, il échangea un regard avec le batteur qui avait compris également pourquoi le nouveau était aussi dans les vapes. Isabella, évidemment. « Tu ferais mieux de l’effacer de ta mémoire. » Mais les mots du batteur ne firent aucun effet au bassiste, dont les yeux restaient figés sur la strip-teaseuse. Isabella passa même devant eux, sans leur accorder un seul regard hormis un clin d’œil au bassiste qui se liquéfia sur place. Minki et son acolyte, le batteur, sifflèrent sur son passage et la brune ne prit même pas la peine de les envoyer balader ; ces filles-là étaient habituées à leurs remarques salaces. « Oublie-la, Junior. Elle est trop bonne et inaccessible pour toi. » dit-il en tirant une nouvelle taffe sur sa cigarette, après avoir posé la basse à côté de lui. C’est qu’il parlait en connaissance de cause, le gaillard… Forcément, il avait tenté une approche avec Isabella mais s’était pris le râteau du siècle. « Elle vient d’où ? » « D’Espagne, ‘parait qu’elle était la danseuse favorite du roi. » Ah, cette fille avait le don de faire tourner toutes les têtes. « Je crois que je suis amoureux… » lâcha finalement le gosse… « J’en étais sûr ! Par ici la money… » et quelques billets passèrent de mains en mains. « Quoi ? Vous aviez parié sur moi ? » « Et pas qu’une fois. On a d’abord parié sur le nombre d’heures que tu tiendrais au Styx et puis sur le nombre de minutes que tu tiendrais à tomber amoureux d’Isabella. D’ailleurs, on lui avait même demandé d’être gentille avec toi… » « Ouais, c’était en fait un bizutage. On te souhaite la malvenue au Styx, Junior. Tu es officiellement bassiste ici. » Le guitariste et le batteur se donnèrent une tape dans la main, sous le regard éberlué du nouveau bassiste. Ça aurait pu être pire, les garçons avaient songé à l’envoyer en Ouzbékistan pour voir comment il s’en sortirait. Mais ils avaient fini par avoir pitié, réservant le voyage en Ouzbékistan à un autre nouveau. Pendant que le bassiste maugréait dans sa barbe inexistante, le portable de Mikki vibra dans sa poche, un nouveau sms. Persuadé que c’était Shinie qui avait encore des problèmes avec le four, ses yeux s’écarquillèrent quand il vit le nom de son correspondant, enfin le surnom : Le Diable. Toute bonne humeur s’envola aussitôt à la lecture du sms : sois-là à 6h. Elle utilisait donc un deuxième coupon et à cette pensée, Mikki se maudit encore d’avoir conduit la voiture de Rachel.

« Je dois filer. Urgence. Ma sœur vient d’accoucher, dîtes au boss que je bosserai ce weekend pour rattraper, d’accord ? » Et Mikki lâcha ses comparses pour filer un coup de mains à une demoiselle qui préférait surtout le torturer. Il rangea sa guitare dans la housse et passa l’instrument dans son dos grâce aux sangles. Il ne devait absolument pas être en retard, la première fois elle le lui avait fait payer cher sa négligence. Comment pouvait-elle être aussi jolie et démoniaque ? Quand il sortit du bâtiment du Styx, Min Ki regarda de nouveau le sms et vit l’adresse plus bas ; heureusement qu’elle avait pensé à l’indiquer hein, Mikki n’avait malheureusement pas encore le don de deviner les adresses. Par contre, il avait le don incroyable de mal lire les adresses, fort heureusement que pour Le Diable, il se trouvait déjà à Apgujeong. En prenant tout son temps, pas trop quand même, il arriva dans le district résidentiel où s’alignaient d’énormes maisons de bourges et buildings clinquants. La grimace habituelle sur le visage, il continua sa route avec désinvolture, sans prêter attention à ces gigantesques demeures et arriva finalement vers une maison traditionnelle. Un camion et Le Diable en personne étaient devant la maison. Pas le moins impressionné par l’énorme camion, Minki s’approcha de Rachel en buvant son jus de fruit. « Ah, quand même ! J’ai failli attendre. On a beaucoup de travail, autant s’y mettre tout de suite. » Pas même un salut, en roulant des yeux, Mikki ne prit pas non plus la peine de la saluer – encore moins de s’incliner, et puis quoi encore ? Un homme au ventre bedonnant ouvrit les portes du camion… « J’espère que tu es en forme, parce qu’il va te falloir porter tout ça à l’intérieur. »… et quand Minki vit tout ce qu’il y avait à l’intérieur, il recracha immédiatement la gorgée de son jus de fruit. « Quoi ? Sérieusement ? s’étrangla-t-il, mais t'as vu tout ce qu’il y a à transporter ? T'as craqué ton string ou bien ? » Même en regardant tous ces meubles, ses muscles se fatiguaient – c’était pas humain d’avoir autant de babioles. Le visage sérieux de Rachel disait clairement qu’il était le seul déménageur de la baraque. « Oh Sainte-Merde, j’espère que tu iras rôtir en Enfer. » Ces mots lâchés, Minki jeta l’emballage de sa boisson au loin et posa sa guitare sur le trottoir. En retroussant les manches de sa chemise, il revint vers Rachel. « Quels objets en premier, Maîtresse ? »

Il avait sans doute commis le péché ultime pour mériter une punition pareille. Être sous le joug de la Ra Hael était sans doute l’un des pires moments de sa vie, alors qu’il en était l’unique responsable. Holy shit, des fois, il se dit qu’être dénoncé aux flics serait plus facile à supporter que la présence de ce succube. Qui, en plus de ça, ne cessait de s’exaspérer pour un pet de travers à cause de l’absence de manières de Minki. Il plissa les yeux, il n’avait clairement pas l’intention d’être présentable ou respectueux envers elle. Il était persuadé qu’elle finirait par péter une durite et rompre leur contrat. Quel naïf, il était, sachant qu’elle prenait un malin plaisir à le torturer ainsi… Il grommela pour la forme d’avoir perdu dix minutes de sa pause, à dire vrai il s’en talquait les aisselles d’avoir une pause ou pas. Ce n’était pas avec dix minutes de pause qu’il serait moins fatigué d’avoir aidé le Malin. Saloperie  de bonne femme insatisfaite de sa routine, attirée par la torture des jeunes hommes qui n’ont rien demandé. « Autant garder le meilleur pour la fin, tu peux t’échauffer en commençant par les cartons. » « Oui, madame. À vos ordres, madame. » Il se glissa à l’intérieur du camion et examina les montagnes d’objets plus ou moins inutiles. À gauche, il y avait un carton où il était écrit : livres. Et à droite, le carton mentionnait : oreillers. Avec un sourire en coin, heureux d’avoir trouvé un subterfuge pour cette fois-là, il tourna le carton de façon à cacher l’indication des oreillers et prit le carton dans ses mains. « C’est vrai que c’est plus éprouvant que de voler une voiture… mais c’est tout de même un travail plus louable, non ? » En roulant des yeux, il retint une flopée d’insultes à son égard principalement parce que même si elle jouait du sarcasme en lui rappelant son erreur, il se trouvait toujours aussi con d’avoir roulé avec sa voiture. « Tout à fait, ma noona. » Dit-il en insistant sur le dernier mot, histoire de lui rappeler sa vieillesse. En revanche, il préféra garder les autres insultes à sa vieillesse dans sa poche – on ne sait jamais, il en aurait peut-être besoin. « Ah, tu me fais pitié. Je vais t’aider. » « Oh, trop aimable, noona. » ironisa-t-il à son tour mais il perdit tout sourire moqueur quand Satan posa deux autres cartons dans ses bras. Pour le coup, c’était carrément plus lourd que le carton des oreillers, il sentit ses muscles se contracter mais prit sur lui pour avancer et descendre du camion. « Ceux-là vont dans la cuisine. Ne fais rien tomber, ma vaisselle vaut sans doute beaucoup plus que tout ce que tu possèdes, toi inclus. » « D’accord, ma noona. » Et il prit le chemin menant à la demeure en marchant le plus lentement possible. Avec ses trois cartons positionnés les uns sur les autres, sa vue était complètement cachée alors il préférait marcher doucement que de se jeter dans une piscine surprise. Le visage écrasé contre le carton de vaisselle, mais tourné vers la gauche, il essaya de s’orienter dans la cour et fut heureux de trouver l’entrée de la maison – oh joie, papillons et fleurs, c’était un labyrinthe minuscule. Quand il fut dans la maison, il ne s’attarda pas sur la grandeur du séjour, il s’avança à l’aveuglette pour trouver une pièce qui ressemblait à une cuisine. « Putain de labyrinthe de mes deux. » Grommela-t-il dans sa barbe en faisant deux fois le tour des lieux sans trouver la cuisine. Au bout du troisième tour, il tomba dans une pièce plutôt moderne – et miracle, il y avait un four ! Il posa sans plus tarder les cartons au sol et respira un coup. Sa journée de torture ne faisait que commencer, alors il sortit de la maison pour prendre de nouveaux cartons. « Fait, noona. » dit-il à l’adresse du Diable. En entrant dans le camion, il prit le carton des livres cette fois-ci, histoire de ne pas se faire duper – il avait voulu tromper le Malin, ça s’était retourné contre lui, la poisse. « Je pose ça où ? Dans ta chambre à la maison de retraite ? En passant, ce zèbre est très laid. »

C’était tellement facile de toucher ses points sensibles… Ah, ce que les filles peuvent être susceptibles, surtout concernant l’âge. Minki était certain qu’elles passaient des marchés avec Dieu – ou le Diable – pour perdre un an à chaque anniversaire au lieu d’en gagner ; sauf que parfois, ça se voit clairement sur le physique qu’elles sont plus vieilles que l’âge qu’elles donnent. Tellement féminin. « Les livres vont dans le bureau. Tu n’es pas très habitué à manipuler ces choses-là hein ? Non c’est vrai, ta seule habileté est de dérober ce qui ne t’appartient pas. » Lâcha la demoiselle, tentant sans doute de le toucher là où ça fait mal mais… peine perdue, la deuxième fois n’avait limite plus aucun effet. Tout simplement parce que Mikki avait atteint son point de non-retour : il s’en contrefichait à présent qu’elle le dénonce ou pas. Il finirait en taule, et alors ? Sa noona de sœur avait bien survécu à la prison. Il préféra ne pas répondre, mais sourit narquoisement – il se demandait même si elle était capable de parler de façon sale et grossière. Il prit cela comme un défi, pour essayer de la faire sortir de ses gonds afin qu’elle déverse sa haine en flot d’insultes. Elle enchaîna plutôt sur une autre réplique, le traitant clairement de pré-pubère. « Oh non, j’aurais dû faire déplacer le zèbre en même temps que l’électro-ménager… J’ai oublié de prendre en compte tes faibles capacités physiques, après tout tu es encore en pleine puberté alors il aurait mieux valu que je le confie à un vrai homme... » Réplique qui ne fit ni chaud ni froid à Mikki : il s’en contrefout de son âge. Il se mit à rire doucement mais fut interrompu par le Diable encore une fois. « So nyeon ! Tu devrais emmener ça en même temps. » Mikki hocha de la tête et alla attraper les planches de métal de sa main gauche, immobilisant le carton avec son bras droit. Il plaça les planches sous son bras mais ne retourna pas dans la maison pour autant. Il se contenta de se tourner vers Rachel, avec un sourire carnassier et lâcha cette réplique qui voulait sortir depuis un moment : « Pour ta gouverne, je préfère être coincé dans ma puberté qu’en pleine ménopause. Ah mais c’est pour ça que tu transpires autant, ma noona ! Attention, les bouffées de chaleur, c’est pas cool du tout… C’est pas tout ça mais j’ai du boulot ! » Il aurait même fait la révérence s’il n’avait pas eu le carton et les planches à transporter. Aussitôt dit, aussitôt reparti : sa vue n’était plus cachée cette fois-ci et il se souvenait du chemin qu’il avait emprunté tout à l’heure pour trouver la cuisine. Sauf qu’il devait chercher le bureau et la bonne femme ne l’avait même pas aidé sur ce coup. À peine fut-il à l’intérieur de la maison qu’il posa les affaires au sol ; ça l’ennuyait de laisser le Diable dehors après avoir insinué qu’elle était en ménopause. Et Mikki ne voulait pas se l’avouer mais leur joute verbale l’amusait plus qu’il n’aurait imaginé… Il ressortit de la maison, époussetant ses vêtements et s’avança rapidement vers Rachel qui semblait à deux doigts d’éclater sa tête en deux. Sans plus de cérémonie, il attrapa ses jambes et la fit basculer sur ses épaules, de façon à la transporter de force. Elle pouvait cogner son dos tant qu’elle voulait, Mikki n’en ressentait aucune douleur et pour la peine, il alla chercher le fameux zèbre pour l’apporter dans la maison avec lui. « Ma noona, ne t’énerve pas, tu auras plus de rides après. »  Arrivés dans la maison, il la déposa au sol mais garda le zèbre dans ses mains, en guise de bouclier si jamais la harpie décidait à le cogner avec ses griffes.

« Le 112 bien sûr ! » Elle comptait réellement le dénoncer, donc. Il grimaça, Jae Won ne serait pas content du tout. De mémoire, il tenta de compter le nombre d’heures de travaux d’intérêt général qu’il lui restait à faire encore alors pour un vol de voiture et toutes autres bizarreries que la Noona inventerait sans doute, ça devrait faire… à peu près huit mois. Mazette, il n’avait pas que ça à faire de sa vie ! Le Mac le tuerait sans aucun doute s’il manque le travail pendant huit mois ! Quelle mouche l’avait piqué aussi, à vouloir la chercher ainsi…  « Franchement, qu’est-ce qui m’a pris de te proposer une solution pour éviter la justice ? C’est fini, terminé, je refuse de marchander avec un petit ingrat tel que toi. Notre accord est annulé ! » Enfin de compte, il n’était pas prêt à faire face aux autorités, surtout pas pour une histoire aussi ridicule. Certes il avait mal agi en conduisant sa voiture mais il l’avait tout de même réparée ! Ça compte, non ? Son cerveau un peu lent tenta de réfléchir à une solution mais la Noona avait déjà composé le numéro et avait placé le téléphone à son oreille. En quelques secondes, Mikki lui arracha le portable des mains et raccrocha impoliment alors même que ça sonnait toujours. Il cacha le portable dans son dos, malgré les nouveaux cris de Rachel, sauf que cette fois-ci il avait plutôt envie de tenter une autre méthode que l’insulte. Déjà qu’il avait insulté son âge – à plusieurs reprises ! – il n’était pas suicidaire au point d’insulter son poids. Quoique, il en avait une bonne toute faite, puisqu’il l’avait portée sur ses épaules il pourrait prétendre qu’elle pesait vraiment lourd. Mais c’était très bas et mesquin – il n’empêche qu’il la garda sous le coude, sait-on jamais. « Non, non, calme-toi j’ai un marché à te proposer ! Mais oh, je rêve où tu m’as pincé ? » Le bras tenant le téléphone était en l’air, l’autre qui tenait le zèbre s’était fait pincer, et la harpie n’y était pas allée de main morte ! « Yah ! Arrête de me pincer, j’ai sérieusement quelque chose à te proposer ! » Finalement, il semblerait que la harpie se soit calmée alors Mikki en profita pour placer sa proposition avant qu’elle ne décide à l’attaquer – heureusement qu’elle n’avait pas pris les planches en métal pour le tabasser avec… « Ah, c’est malin, j’ai oublié maintenant. » Dit-il en essayant de faire une petite boutade mais vu le regard assassin qu’elle lui lança, il enchaîna rapidement avant que Rachel ne se remette à le tabasser. Il avait assez joué avec ses nerfs pour aujourd'hui. « Annule pas le contrat. Garde moi à l’essai jusqu’à ce soir, enfin jusqu’à ce que je finisse tout ce qu’il y a à faire ici. Et si jamais ça ne te satisfait pas, tu pourras appeler les autorités. Mais si tu es satisfaite et que t’as envie de me torturer encore et encore, tu pourras prolonger le contrat de huit coupons. Tu marches ? » Et il était même prêt à travailler en silence – du moins, il se promit de ne pas la titiller sur son âge, son poids ou sur ses cheveux oranges.

Fier de sa proposition, il se permit même un sourire victorieux – intérieurement, le sourire. Il n’allait tout de même pas se mettre en mauvaise posture en prétendant avoir eu l’avantage sur le Diable, n’est-ce pas ? Enfin… « avantage », c’était vite dit. Sa proposition était aussi bidon que son compte bancaire super garni. Il se croyait tellement malin qu’il était persuadé qu’elle accepterait, puisqu’il offrait de nouveau l’opportunité au Diable de le torturer. Ah, ça, pour une idée brillante, c’était du n’importe quoi. Toujours est-il qu’elle avait cessé de le pincer – et sainte-merde, c’est qu’elle pinçait fort en plus ! Il grimaça à la vue de son bras, il ne pouvait même pas se le masser vu que ses mains étaient occupées. Elle avait pincé au même endroit qui plus est, c’est encore plus douloureux de cette façon. Note : songer à acheter une pommade pour chaque coupon futur. Si jamais elle accepte, je sens qu’elle va recommencer. Crotte de bique. « Laisse-moi reformuler. Tu me proposes de passer par-dessus tes insultes répétées et en échange j’ai la ‘chance’ de te subir encore plus longtemps ? » Mazette, il avait semblé tellement sûr de lui qu’à cette réponse, tout s’envola en éclat. Il se prépara même mentalement à affronter les poulets. Les patrons. Les poulets encore. Et sans doute l’Enfer vu qu’on le tuerait de toute manière – c’était donc ça voir sa vie défiler sous ses yeux ? La fin était tellement proche… tellement que Mikki ne fit pas attention au comportement songeur de Rachel, trop préoccupé par son mélodrame. Et de fait, la réponse de Rachel le surprit plus qu’autre chose. « Je vais y réfléchir. Va me chercher à boire. » Elle comptait sérieusement réfléchir ? Ça voulait dire qu’il y avait un minime espoir qu’elle accepte, finalement ! Ah, le sourire victorieux interne réapparut tandis qu’il posait le zèbre innocent au sol. En se relevant, Rachel lui tendait quelques wons qu’il prit mais lui rendit par la même occasion son téléphone. De toute façon, même s’il le gardait en otage, elle trouverait un moyen de s’en procurer et le dénoncer. « Si tu n’es pas là dans dix minutes, inutile de revenir. » Souriant cette fois-ci en vrai, il était persuadé qu’il serait de retour avant les dix minutes – il doit bien avoir un distributeur de boisson dans le coin, non ? « À tout de suite, princesse. » L’effort incroyable qu’il faisait en n’utilisant plus noona. Sans perdre de temps, il fourra l’argent dans la poche de son jean et mit le chronomètre de sa montre en marche en sortant de la maison.

Un œil sur sa montre, un œil sur le quartier, il fit quelques pâtés de maisons pour se rendre compte d’une chose : saloperie de quartier dépourvu de distributeur de boissons dans les environs. Sur le chemin, il croisa un gamin sur son skate-board… c’était mieux que d’y aller à pieds, il gagnerait plus de temps sans se fatiguer. « Eh le morveux, dit-il en s’approchant du gosse qui le regardait de travers, t’as vu l’hélicoptère dans le jardin là-bas ? » Question bidon mais qui fit son effet puisque le gamin avait tourné la tête dans la direction indiquée. Mauvaise idée, au même moment Mikki le bouscula et attrapa la planche pour courir. Le gosse le suivit aussitôt mais la distance était grande entre eux. Quand Mikki fut certain de l’avoir semé, il sauta sur la planche et roula pour chercher une quelconque épicerie. Le chronomètre indiquait 03 : 15, c’était plus ou moins correct. Non, rectification : il n’y arriverait jamais à cette allure… Presque désespéré, il quitta le quartier des bourges aux maisons énormes pour atterrir dans une minuscule ruelle commerçante très peu chargée. Au moins, il y était presque. Un coup d’œil à gauche et il grimaça : un cybercafé qui ne ressemblait pas à un cybercafé. Et quelques mètres plus loin, c’était pas mieux, l’épicerie… iranienne ou turque, il ne saurait le dire, proposait des légumes aux couleurs étranges à la façade de l’épicerie. Si bien que les légumes n’avaient même plus leur couleur d’origine. En plus ça sentait trop le mouton et le safran. 05 : 03. Plus les minutes s’égrenaient, plus Mikki perdait espoir. La ruelle n’était réellement pas chargée, c’était principalement des habitations qu’il trouvait. Hormis peut-être quelques clochards qui beuglaient des âneries tout en restant scotchés à leur territoire, il ne trouvait pas grand-chose. Au point où il en était, il pouvait toujours lui acheter une boisson sentant le mouton… en faisant demi-tour pour aller dans l’épicerie puante, il s’arrêta en voyant un clochard sortir une canette de sa poche… « Non ! » Et Mikki courut vers lui, les bras en l’air, délaissant même le skate. « Ç’va pos dains ta tîte, marveux ? » S’insurgea le clochard dans une langue que seule lui pouvait comprendre. Ou juste parce que Mikki était trop bête pour comprendre un brin de ce qu'il beuglait dans sa barbe énorme. « Papy, ta canette, tiens, il lui tendit tous les wons que Rachel lui avait donnés, je te l’achète. » Mais Mikki n’avait clairement pas le temps pour que le vieillard réfléchisse à ce qui se passait… alors, il arracha la canette en lui balançant l'argent et prit ses jambes à son cou. Hors de la ruelle, son chronomètre indiquait 07 : 42, heureusement qu’il avait la boisson. D’ailleurs, en courant il regarda son achat et remercia Dieu parce que le clochard n’avait pas eu le temps de l’ouvrir – heureusement ! C’était du thé noir aux fruits rouges, il n’était pas certain qu’elle apprécie mais elle n’avait qu’à préciser ce qu’elle voulait boire. Toujours en courant, la fatigue dans ses muscles, il esquiva une mamie sur sa route et même un chien courut après lui. Ce crétin de clébard pensait sans doute que Mikki jouait avec. Le souffle court, Mikki arriva enfin à la maison du Diable, il contourna le camion, sprinta la cour et entra dans la maison. Les mains sur les genoux, il tentait de reprendre une respiration normale mais c’était pas gagné. « Tiens… Et… je suis… à l’heure ! » Il tendit la boisson vers Rachel et tourna le poignet pour lui prouver qu’il était arrivé à temps : 09 : 47. Et bim, encore une victoire pour Mickey.

À peine sa respiration normale retrouvée qu’une colère s’empara de lui : comment avait-elle osé jeter la canette ? Lui qui avait si durement couru pour la trouver ? L’abominable Ra Hael des glaces lui tapait un peu trop sur le système mais il se mordit la langue au lieu de l’envoyer promptement se faire posséder sexuellement par un ajusshi en chaleur. « Mais c’est vrai, tu as réussi. Toutes mes félicitations. » Il ne décela aucune sincérité dans ses félicitations mais ça l’enchanta tout de même – il adorait qu’on reconnaisse sa bonne action, même balancée au fond d’une poubelle. Quand elle s’adressa au chauffeur du camion, un sourire sadique fleurit sur son visage car apparemment le sale boulot était pour sa pomme ! Mais son contentement ne dura pas longtemps puisque la Rachel avait un tout autre programme prévu pour lui. « Ça te dirait, qu’on regarde un film ? » C’était tellement louche qu’il afficha une moue méfiante, la regardant de travers. Il se demanda si elle ne comptait pas engager une équipe entière pour le faire participer à un film qu’ils regarderaient ensemble ensuite. Sauf si c’est un film d’horreur alors aucune chance pour qu’elle le laisse en vie… « Mwol ? » Et ça n’avait rien de rassurant ! Mazette, allait-elle vraiment lui faire faire ce qu’il pensait ? Parce qu’il était clairement fichu – déjà que son jeu d’acteur était bidon… « J’ai besoin de me détendre, j’ai eu une journée terrible et ta compagnie est tout sauf relaxante. Oh de toute façon ton avis ne compte pas ! »  Okay, bon, elle comptait réellement regarder un film ; sa panique chuta d’un cran du coup mais il se méfia quand même. Il attrapa les clés qu’elle lui lança et accepta la potence ; de toute façon, il était fichu pour encore huit coupons à venir alors autant crever ce soir… En sortant, il prit sa guitare qu’il installa à l’arrière de la voiture et se plaça face au volant. Minki eut aussitôt un flash : il reconnut celle qui avait été sa campagne durant une soirée… avant qu’il ne tombe sur sa maîtresse. « Oh bébé, je t’ai enfin retrouvée, dit-il en caressant le volant, un sourire goguenard sur le visage, tu m’avais tellement manqué… » Il se reprit aussitôt en se faisant sévèrement incendier sur place par Rachel qui le dévisageait comme s’il était devenu fou. En se raclant la gorge, il démarra la voiture et fit comme s’il ne s’était rien passé. C’était totalement grisant de conduire une Ferrari, ce n’était pas la même chose qu’avec Scarlett… D’ailleurs, Scarlett était malade ces temps-ci, elle se reposait dans le garage en attendant de recevoir un nouvel organe (un filtre à particules). Mikki tenta de ne pas trop apprécier de conduire la F430, pour ne pas faire d’infidélité à sa chérie mais c’était plus fort que lui. Sauf que le cinéma n’était pas si loin que ça, surtout dans une Ferrari, alors ils arrivèrent rapidement à destination. En jetant un coup d’œil aux films à l’affiche, il fronça les sourcils : elle ne l’avait quand même pas amené ici pour qu’ils regardent un film historique ou un film sentimental, si ? Parce que les films sentimentaux, il ne les supportait que lors d’un rencard et c’était loin d’être le cas. « Me dis pas qu’on va regarder un truc pourri qu’est à l’affiche, là ? » Dit-il l’index pointé vers le cinéma. Vu le sourire de Rachel : c’était bien le cas. Agacé, il sortit de la voiture mais ferma délicatement la portière – une Ferrari tout de même – mais balança les clés à sa propriétaire. « Au fait, la canette, je l’avais achetée à un ajusshi qui venait de se masturber quand je lui ai montré ta photo. » C’était bas mais c’est tout ce qu’il avait trouvé comme riposte pour évacuer sa frustration à cause du film inintéressant qu’ils allaient voir.

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