Complètement dans le cirage, il s’était levé d’un bond de son lit, les yeux explosés et les lèvres baragouinant des mots incompréhensibles. La tête lui tourna quelques secondes tellement il s’était levé brusquement mais il réussit tout de même à voir l’horloge et ne pas mal interpréter l’heure qu’elle indiquait. 10 : 11. Pas grave, les cours commençaient tardivement de toute façon… Mais son regard tomba sur le calendrier. Samedi. Il s’était levé super tôt un samedi matin… c’était un exploit, le concernant. En poussant un cri aigu, il regarda son lit mais n’y retourna pourtant pas ; c’était une aubaine qu’il se lève aussi tôt alors il allait en profiter un peu de son temps libre. Surtout que, aujourd’hui particulièrement, il n’avait ni travail au magazine, ni de dessin à rendre en toute urgence. C’était parfait pour son métier secret, celui de glandeur professionnel. Sans même prendre le temps de s’habiller ou même de se laver, il fit quelques pas jusqu’à son salon et s’écrasa de tout son long sur le canapé. Au passage, il poussa l’un de ses clébards qui grogna en tombant par terre mais Sid était trop dans le brouillard pour faire attention à lui. Il fit tout de même un effort pour étirer son bras afin d’attraper la télécommande par terre ; en zappant les chaînes il tomba sur le nouveau clip du groupe de Naïa. Mais à peine eut-il le temps de regarder deux minutes du clip que ses yeux se fermaient déjà. Ce n’était en rien la faute des interprètes, juste lui qui était trop crevé pour regarder jusqu’au bout un simple clip. Il s’endormit aussitôt d’ailleurs, lui qui avait pour projet de faire quelque chose d’utile de cette journée. De toute façon, ce n’était pas dans ses habitudes de réaliser de nouveaux projets, alors… Procrastineur invétéré. À se demander comment faisait-il pour tenir un emploi du temps pareil… entre son travail de dessinateur, ses études en arts, son boulot au Velvet Dust, ses autres activités plus ou moins rémunérées… L’avantage c’est qu’il n’avait pas énormément de cours, il ne travaillait que trois jours au magazine et dessinait la plupart du temps en pleine nuit – d’où les difficultés à se lever tous les matins. Ce rythme de travail plutôt compliqué lui convenait assez, puisqu’il s’y était habitué, sachant qu’il arrive toujours à trouver du temps pour voir des amis et aussi pour glander. Surtout pour glander, d’ailleurs. Et faire chier son monde, l’une de ses spécialités. Quand il se réveilla de nouveau, un coup d’œil aux fenêtres lui indiqua que le coucher du soleil était déjà passé. Si ses chiens n’avaient pas pris la peine de le réveiller il aurait dormi encore des heures. Une grimace barra son visage quand il les regarda, tous les deux assis devant lui, grattant son bras avec leurs pattes. Non seulement ils lui faisaient mal mais c’était surtout un moyen pour le réveiller complètement. Sans doute pour qu’il les sorte. En y repensant, il ne les avait pas sortis une seule fois aujourd’hui, sur cette pensée il se leva définitivement et alla se préparer. Passage sous la douche qui finit par le réveiller complètement, brossage de dents et il enfila une tenue simple pour sortir ses clébards. « On y va. » Dit-il en attrapant son manteau qu’il enfila rapidement sous les aboiements des chiens contents de sortir. Les godasses sur ses pieds, il prit les deux laisses et les attacha chacun en sortant de l’appartement. Dans le couloir de son immeuble, il croisa l’ajumma qui ne cessait de lui envoyer des baisers volants – saloperie de cougar. Il fit comme s’il ne l’avait pas vue mais ses chiens, par contre… ils lui grognaient dessus. Intérieurement, Sid félicitait ses deux compagnons qui le défendaient des vieilles azimutées en mal d’amour.

Sans s’éloigner de trop de l’immeuble, il marcha tranquillement quelques mètres, s’attardant dans les zones à herbes pour Moe et Joe. Au passage, il s’était même acheté un bungeo-ppang car il avait complètement oublié qu’il n’avait rien mangé – oublier qu’on a la dalle, c’est pas tout à fait normal. Une dizaine de minutes qu’il promenait ses chiens déjà et il siffla pour changer de direction et faire demi-tour. Sa bouche pleine, il dégustait son pain en forme de poisson sans réellement faire attention aux passants. Sauf qu’au coin d’une ruelle, il ne put louper sa détective favorite. Il avait, semble-t-il, développé un radar capable de détecter les rayonnements provenant de Sun Na Na. Il jeta son bungeo-ppang dans la première poubelle et courut avec ses chiens dans l’immeuble. Hors de question qu’il approche Sun Na Na avec Moe, ces temps-ci le doberman avait développé un attrait particulier aux jambes féminines – il sautait sur n’importe quelle femme qu’il croisait. Sid n’eut même pas le courage d’attendre l’ascenseur, il dévala les marches une à une jusqu’à arriver à son loft en y déposant ses chiens. Un rapide au revoir et il les enfermait à double tour pour courir dans les escaliers et sortir de l’immeuble. Au début, il eut du mal à se repérer : ruelle de gauche ou de droite ? Il prit la gauche… Mais elle n’y était pas. Il retourna rapidement à la ruelle de droite et la vit planquée derrière une benne à ordures. Retrouvant une attitude nonchalante, il fit de nombreux signes avec ses bras, le sourire aux lèvres, sans doute pour lui faire coucou. Comme les gens qui font « youhou » dans les aéroports. Mais il n’obtint qu’un bref regard, il ne savait même pas si elle l’avait reconnu alors il s’en approcha. Après s’être incliné respectueusement, il lui offrit un sourire comme il avait l’habitude de le faire avec elle. « Annyeong Sun-sshi ! » Malgré le regard assassin qu’elle lui lança, Sid ne recula pas, au contraire, il s’en approcha de très près. « Que faîtes-vous si ce n’est pas indiscret ? » Sauf qu’au même moment, il se mit à éternuer, sans doute des fleurs qu’on avait balancé dans la benne. « Pardon, allergie… »