« Tu vas te flinguer la santé, Tan. Sérieux. Vraiment la flinguer. Papa arrête pas de te le dire. Pourquoi est-ce que tu continues ? En plus tes doigts vont devenir jaunes, tes dents aussi. Tu vas avoir une haleine de cheval et tu vas perdre tes cheveux. T’aimerais pas perdre tes cheveux, hein ? Non mais sérieux, c’est vraiment nocif pour ta santé et... »

« Bordel, on est dans un pays libre, Chae Rin. En d’autres mots, j’ai le droit de griller une clope tranquille sans me faire emmerder... »

À entendre le frère et la soeur se prendre un peu la tête, on aurait pu croire qu’ils ne s’entendaient pas vraiment bien... mais c’était tout le contraire. Chae Rin, la demie-soeur de Tan, vient lui donner un petit coup de poing sans force sur le bras et il lui fait un clin d’oeil complice. Dire qu’entre ces deux-là, ça avait bien faillit tourner au vinaigre... Il faut dire que quand à 12 ans, tes parents décident de se séparer et que ta mère se remarie juste derrière, une sérieuse remise en question s’impose à bien des égards. Dire que Tan a bien vécu ces nombreux chamboulements alors qu’il entamait l’ascension lente et difficile vers l’adolescence serait un affligeant mensonge. En fait, c’est probablement cette situation qui l’a poussé à la rébellion dans son jeune âge. Oh, rien de bien compliqué... Mais alors qu’il avait toujours été un gosse sage, mis à part les quatre cent coups qu’il faisait avec son cousin et qui n’avaient rien de bien rebelles, à l’adolescence Tan devint un peu difficile à contrôler.

Faire le mur était une habitude chez lui et c’est justement de ses escapades nocturnes qu’il pris la mauvaise habitude de fumer la cigarette. Rien d’autre, non. Il s’était essayé une fois à la marijuana et avait cru cracher ses poumons, tout comme son meilleur ami de l’époque. Du coup, ils n’en avaient jamais rien dit à personne, secret qu’ils gardaient jalousement pour eux histoire de préserver leur petite fierté masculine. C’était l’âge des découvertes et Tan voulait tout sauf être à la maison. Ce qui posait problème non seulement parce que sa mère avait peur qu’il aille se perdre dans les mauvais quartiers, ce qui ne fut pas le cas, mais aussi parce qu’il avait de graves problèmes cardiaques héréditaires.

La famille de son père qui lui avait filé ce monstre... Et lorsqu’il avait faillit claquer entre les doigts de son meilleur ami, leurs conneries ont très rapidement pris fin. Heureusement, admis à l’hôpital et grâce à l’argent de son beau-père, Tan est non seulement rapidement sur pieds, mais aussi complètement guérit. Enfin, rien n’est jamais complètement guérit et ça, Tan l’apprend assez jeune. Un coeur brisé ou un coeur souffrant... Il doit toujours faire attention et parfois, il se réveille la nuit le coeur agité de battements irréguliers sans raison. Mais dangereux ? Non, pas pour le moment alors qu’il en est seulement à la mi-vingtaine et que ses capacités sont à son maximum.

Son meilleur ami, c’était... un peu sa bouée de sauvetage au milieu de l’océan agité de son adolescence. Et c’était un sentiment commun. Il y eu plusieurs découvertes, avec Tae Min. La première clope. La première bière. La première nana reluquée. Puis aussi la première masturbation... Particuliers ? Vous seriez étonné de savoir combien d’adolescents sont intrigués par ce plaisir intime commun au moins juste une seule et unique fois. Ce fut aussi une seule et unique fois du côté de ces deux larrons, mais peut-être juste parce que leurs sourires timides par la suite n’eurent pas le temps de se développer. On lui arracha violemment son meilleur amie par une journée qui aurait dût être paisible. Des coups de feu, des hurlements, le corps de son ami pris de convulsions... et ce fut déjà terminé sous ses yeux horrifiés. Il n’avait rien pu faire. Un gang qui avait décidé de régler ses comptes.

Alors que souvent le monde des grands criminels semble être alléchant, sans pour autant qu’on l’approche, pour Tan il était loin d’être glamour... D’ailleurs, c’est avec cette haine profonde au ventre qu’il se fait admettre à l’école de police, sous suivit médical strict à cause de son coeur qui, parfois, lui jouait de mauvais tours. Mais pas assez pour mettre des bâtons dans les roues de son destin... Il voulait aider. Être médecin, ce n’était pas pour lui... Alors être flic, c’était tout aussi bien, pas vrai ? Mais il ne se contente pas de la circulation ou des contraventions pour mauvais stationnement, non. Il entre dans la brigade criminelle où il peut enfin essayer de faire régner un peu d’ordre dans cette ville de fou. Il se rend vite compte que la mafia a une emprise certaine sur la ville. Pas juste une mafia, non. Mais plusieurs. Des Chinois, des Japonais, des Coréens, des Russes, des Italiens... C’est la foire au criminel là où on s’y attend le moins, à dire vrai.

Et au milieu de tout ça, il y a Shinie. Cet espèce de sombre abrutit de Yong Shin. Ce grand con d’imbécile de Yong Shin qu’il aime du plus profond de son coeur, amour qu’il a aussi pour la soeur de ce dernier. Son cousin, celui là même avec lequel il se plaisait à faire les quatre cent coups plus jeune. Il veut à tout prix le sortir de la merde sans nom dans laquelle il s’est plongé jusqu’au coup en fricotant avec la mafia et ne sait sincèrement pas comment s’y prendre. Il faut dire que quand ce grand idiot a une idée dans la tête, il ne l’a pas ailleurs... Le sujet est houleux. Ils en viennent parfois aux cris. Mais il y a beaucoup trop d’amour dans tout ça pour que ça ne soit que du mépris. Si ce n’était que ça, Tan ne s’intéresserait même pas à ce que son cousin devient, surtout que ça peut lui donner une sale réputation parmi les flics. Mais il est toujours là, accroché à son cousin comme une sangsue et il ne décollera pas de sitôt !

On claque soudainement des doigts devant les yeux de l’homme et il sursaute, son regard perçant se posant à nouveau sur sa demie-soeur.

« Eh bien quoi ? On rêve éveillé maintenant ? J’suis sûre que c’est la clope qui... »

« Oh, pitié. »

Levant les yeux au ciel, Tan jette sa cigarette dans un cendrier public avant de tourner les talons pour rentrer dans le bloc devant lequel ils étaient posés, soufflant sa fumée au passage. Aller, c’était l’heure des réjouissances. Ce soir, il y avait un grand dîner chez sa mère et son beau-père. Il avait essayé d’y inviter Yong Shin d’ailleurs, mais sans résultat. Un jour, il allait bien réussir à le tirer de là. Un jour...